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Etat de la criminologie en France (suite)

L’Association Française de Criminologie a émis une réaction à l’orientation prise par la nouvelle équipe en charge de la création d’un UFR de criminologie, dès lors qu’elle serait désormais désignée de manière absconse, prétentieuse, absurde autant qu’idéologiquement provocatrice comme suit : « Criminologie, diplomatie, polémologie et stratégie ». De leur côté certains chercheurs, dont Laurent Muchielli et Virginie Gautron, lesquels s’étaient déjà manifestés antérieurement par principe contre le développement universitaire de la criminologie, m’ont mise personnellement en cause, en déformant mes propos de manière grossière (v. http://www.laurent-mucchielli.org/index.php?post/2011/03/15/Criminologie-en-France-%3A-presque-tout-le-monde-a-compris-d%C3%A9sormais-de-quoi-il-s-agit). Quelques semaines plus tôt, des pénalistes de tous bords s’opposaient à l’instauration de la criminologie pour des motifs non plus idéologiques, mais institutionnels et de défense de territoire. J’y avais réagi sur ce site.

En tant que membre de la Commission Nationale de la Criminologie, j’avais pour ma part tenté sincèrement et sans doute naïvement de faire avancer ce débat. Il me semblait que le retard français devait être comblé de toute urgence, que nos étudiants devaient trouver des débouchés, que les politiques publiques devaient enfin faire l’objet d’évaluation scientifique, comme cela est le cas de manière routinière, ailleurs en Europe et en occident.
Notre retard était tel qu’au sein de la CNC j’avais fortement, fermement même, insisté pour dire que nous ne pourrions faire émerger la criminologie à l’Université sans d’abord solliciter, modestement, la collaboration et le soutien de nos voisins européens et sans donner les moyens à nos étudiants, au travers de l’enseignement et du soutien linguistique, aux travaux, d’une richesse infinie, publiés ailleurs que sur notre territoire. Quand bien même je ne partageais pas, et de loin, toutes les orientations prises par notre pré-rapport, j’avais estimé en conscience qu’il était indispensable de faire preuve d’esprit de consensus pour faire avancer le débat.

Devant la guérilla qui se poursuit, opposant, de manière classique, typique, triste, la droite et la gauche, la science admissible et la science inadmissible, les peurs, les angoisses, les fantasmes, les querelles autour de labels, les défenses de pré carré, les provocations et les mises en cause personnelle, je déclare publiquement renoncer à participer à l’entreprise collective sous sa forme actuelle, mais, dans le même temps, me désolidariser fermement de l’ensemble des oppositions de tous bords qui convergent pour faire échouer toute avancée.
Jamais encore je n’avais eu à ce point conscience de mon incapacité culturelle intrinsèque à comprendre ce pays ; mais je ne me serais sentie si étrangère en mon pays au point d’être tentée de manière persistante à renoncer à ma nationalité.

C’est avec une infinie tristesse que je me recentrerai désormais et dans les années à venir sur mes recherches de terrain et les collaborations en cours avec d’autres collègues européens et étrangers, avec des organismes publics, institutionnels ou universitaires nationaux et surtout internationaux, ainsi qu’avec les quelques politiques qui, dans l’ombre, tentent eux aussi de faire avancer le débat.