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Que faire des courtes peines et de la surpopulation

Quelques suggestions pour réduire la part des courtes peines d’emprisonnement et de l’emprisonnement tout court à l’heure où l’on désespère de voir s’allonger les peines et persister la surpopulation.

 

Je discutais en effet hier avec une délégation de personnes chargées d’établir un rapport public (dont je vous dirai plus lorsqu’il sera rendu public, précisément) venues me consulter et leur ai proposé une série de mesures visant à réduire la part des courtes peines fermes.

 

1)      Le seul outil qui marche (environ 30 000 incarcérations évitées par an) pour réduire réellement l’incarcération étant l’article 723-15 du CPP, il convient d’en améliorer le régime en

–          supprimant la différence récidivistes/primaires et élevant le seuil de recevabilité à 2 ans pour tous (quitte à en écarter le bénéfice pour les délinquants sexuels, la délinquance organisée ou le terrorisme…) ;

–          autorisant d’autres formes de conversion que la seule conversion-Stig ou Jours-amende (pour rappel ce ne sont quasiment que les JAP qui prononcent ces mesures) et par exemple en autorisant à prononcer une conversion-SME et une conversion-Contrainte pénale si vraiment on veut absolument sauver cette peine…

–          étendre le seuil de la conversion-STIG et JA à deux ans comme pour l’article 723-15 lui-même au lieu de six mois, quantum réduit dont l’existence ne tient qu’à une raison historique : le fait que 723-15 est l’héritier de D. 49-1, lequel visait initialement un seuil de six mois… Le législateur a tout simplement oublié d’aligner le régime de la conversion-STIG et de la conversion-JA sur les réformes ayant créé 723-15… ;

–          s’assurant que les juridictions récupèrent vraiment le ou les mails des condamnés car ils changent plus souvent d’adresse et de téléphone que de mail et les échecs de 723-15 correspondent certes souvent à des condamnés fuyants, mais aussi à des condamnés injoignables.

Pour rappel aux opposants répressifs l’article 723-15 :

–          correspond à une seconde phase du procès pénal où l’on prend enfin le temps d’individualiser la peine, ce que l’on n’a objectivement pas eu le temps de faire en correctionnelle et renvoie finalement à des pratiques similaires à celles qui existent à l’étranger, si ce n’est qu’en France cette seconde phase relève du JAP. Ainsi entendu on pourrait d’ailleurs élever le seuil à trois ou cinq ans… mais les politiques ne suivront sans doute pas…

–          les juridictions peuvent garder la main au travers de l’orientation pénale ou de la délivrance d’un mandat de dépôt si elles veulent vraiment envoyer la personne en détention. ce n’est donc pas une violation de la volonté des juges répressifs.

 

2)      Je l’ai déjà écrit, mais la contrainte pénale est une copie juridiquement brouillonne voire absurde du sursis avec mise à l’épreuve, cette dernière ayant été créée à l’époque où le législateur ne dégurgitait pas sans cesse des lois à peine rédigées après les avoir examinées dans l’urgence permanente – à moins que ce ne soit l’idée qu’il aurait forcément toujours raison. A mon sens la réforme la plus pertinente serait de supprimer la contrainte pénale et de revaloriser encore le SME en intégrant dans son régime juridique les rares principes utiles dans la contrainte pénale, ie l’évaluation – mais aussi le traitement – assis sur les données acquises de la science. On peut aussi faire l’inverse si l’on tient vraiment à la contrainte pénale par idéologie et esprit têtu, soit intégrer le régime juridique du SME dans la contrainte pénale (en n’oubliant surtout pas la possibilité de prolonger la mesure, le non-avenu avec effacement du casier, et la révocation ou mise à exécution par le JAP) et en en conservant le contenu criminologique… Qu’on l’appelle alors SME ou CP m’important peu, l’essentiel étant d’arrêter le bazar qui participe de l’échec de la contrainte pénale actuelle.

 

Rappelons toutefois que les véritables questions posées sont :

 

   –   l’existence de courtes peines, mais de courtes peines nuisibles. Au contraire, des peines ultra-courtes seraient au contraire potentiellement efficaces, moins coûteuses et non éliminatoires (v. V. ici Villetaz et al 2015)… ce pourrait être une solution paradoxale, à condition de supprimer en revanche les peines de plus de deux semaines à six mois… Pour rappel beaucoup de pays européens sont désormais engagés dans des politiques de suppression des courtes peines; pays scandinaves ; et bientôt peut-être Ecosse, voire Belgique. Quant à l’Allemagne et l’Autriche, elles dérouragent fortement le prononcé des peines inférieures à six mois, et encouragent pa ailleurs le prononcé de l’amende.

 

– la préparation matérielle, humaine et psychologique de la sortie (comme le recommande l’ONU) au lieu de sa préparation administrative, paperassière et juridique au travers de prétendus aménagements de peine qui, pour les courtes peines, se traduisent en réalité par une débauche d’énergie préparatoire et un suivi (sic) de trois semaines… soit au mieux en tout et pour tout un entretien unique au SPIP – autant dire que cela n’a rien de différent d’une sortie sèche et dire le contraire est se raconter des histoires.