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Traduction de Evidence-Based Practices

Je lis de plus en plus des articles ou autres publications françaises qui utilisent la terminologie « données probantes » pour l’anglais evidence-based «  ou plutôt « evidence-based practices »

Je ne voudrais pas jouer les puristes, mais ce français canadien importé m’exaspère un brin, quelle que soit l’amitié que je porte aux cousins Outre-Atlantique des français. Ceux-ci s’expriment dans un français souvent plus souple, dirons-nous, que celui que nous parlons en France

Ainsi ai-je par exemple vu dans des textes académiques utiliser le verbe « écoper » (écoper d’une peine fédérale par ex.), un verbe que personne n’oserait utiliser dans un texte académique français de France.

 

Je ronchonne régulièrement contre l’inexacte traduction de desistance par « désistement » (au lieu de la traduction correcte : désistance), laquelle soulève un double problème : elle est inexacte criminologiquement car elle induit qu’il s’agit d’une action qui se déroule en un trait de temps alors que la désistance est au contraire un processus ; elle induit à la confusion car elle a un sens précis en droit (déclarer renoncer à une action en justice), laquelle d’ailleurs renvoie elle aussi à l’illusion que la désistance surviendrait en un trait de temps. Elle a été utilisée par les Règles Européennes de la Probation, car les traduteurs du Conseil de l’Europe sont des juristes….

Pour EBP d’ailleurs ils ont commis une grossière erreur en traduisant par le très juridique « fondé sur des preuves »…

 

Pour revenir au canadien « données probantes » cela est sans doute moins dramatique, mais est toutefois exaspérant, ; un peu comme lorsque mes étudiants écrivent établissement « pénitencier » au lieu de « pénitentiaire ». Le français de France n’est pas exactement le français canadien.

 

En français nous avons déjà une expression correcte pour désigner les pratiques evidence-based (EBP pour les intimes) et elle est utilisée en médecine et en sciences dures depuis toujours. Il s’agit de: pratiques assises sur les données acquises de la science.

Elle est sans doute plus longue que « données probantes », mais présente l’avantage, de traduire l’exacte connotation de EBP, ce que tout anglophone comprend bien que cela ne soit pas la traduction littérale, soit que les données en question sont relatives à un moment donné de la science, c’est-à-dire aujourd’hui et que demain cela pourra avoir changé. Précisément en France, « Données acquises…» a toujours aussi été compris comme renvoyant à ce qui a été accumulé, mais induit nécessairement que cela peut changer.

Au contraire, « données probante » a un ton de finalité et d’absolutisme, que l’on n’a pas dans EBP ni dans données acquises de la science. C’est sans doute une traduction littérale fidèle, mais ce n’est fidèle qu’au sens apparent et non point au sens sous-jacent de evidence-based. Or tout traducteur se doit de restituer ces deux sens et ne saurait se limiter au sens apparent.

 

Je me suis également exprimée de manière moqueuse sur la défense de la langue française dans ces colonnes, du fait de son caractère isolationniste, sclérosant et néo-colonialiste.

En l’espèce je défends non pas l’existence, mais la précision et l’exactitude du français comme celle de l’anglais et de concepts importants en science

C’était, littéralement, la Note du Traducteur!